Créé en 2023 pour suivre au plus près la mise en œuvre des 30 engagements d’Imagine la Nièvre !, l’Observatoire des citoyens a mené sa première visite de terrain, lundi 5 février, dans les locaux de l’Entreprise à but d’emploi des Vaux d’Yonne, à Clamecy. Une riche soirée d’échanges avec les responsables et les salariés, au cours de laquelle la délégation d’observateurs a pu appréhender dans le détail la réalité des Territoires zéro chômeur longue durée.
L’expression suscite quelques sourires incrédules et fiers dans l’assistance. « La Nièvre est la championne du monde des Territoires zéro chômeur longue durée », affirme Fabien Bazin, président du Conseil départemental, dans la salle bien remplie de l’Entreprise à but d’emploi (EBE) des Vaux d’Yonne, à Clamecy. Autour de lui, des responsables et des salariés du « bras armé » de l’un des cinq Territoires zéro chômeur longue durée du département (1), une densité unique en France, mais aussi en Europe, où cette expérimentation innovante de lutte contre le chômage se déploie peu à peu : « Les États-Unis commencent eux aussi à y réfléchir. On peut donc considérer qu’on est les champions du monde », argumente Fabien Bazin.
Aux côtés des membres de l’EBE, du maire clamecycois Nicolas Bourdoune, et du conseiller départemental délégué à l’insertion, Thierry Guyot, des représentants de l’Observatoire des citoyens écoutent, questionnent, commentent. Ces Nivernais de tous âges et horizons (voir encadré), qui se mobilisent pour accompagner l’application des 30 engagements d’Imagine la Nièvre !, ont souhaité enrichir leur travail technique, effectué avec les élus et services du Département, par des visites de terrain. Quatre ont ainsi été programmées sur ce premier trimestre 2024. La rencontre de Clamecy ouvre une série qui conduira les « observateurs » au Circuit de Nevers-Magny-Cours, mardi 6 février, puis au Centre de santé départemental de Nevers, lundi 19 février, et au collège Jean-Rostand de La Machine, lundi 4 mars.
Dans les locaux de l’EBE, joliment baptisée Le Rebond, la délégation de l’Observatoire a découvert la genèse d’un Territoire zéro chômeur de longue durée, grâce aux témoignages précis et enthousiastes de Béatrice Gaudin et de Fabrice Daval, présidente et directeur de cette entreprise qui place « l’humain » au-dessus de tout : « Depuis l’ouverture en novembre 2022, nous sommes passés de 13 à 28 salariés. La moyenne d’âge est de 50 ans, ce n’est pas simple de retrouver le monde du travail après une longue période de chômage, mais c’est un plaisir ; il y a le salaire qui permet de mieux vivre, mais aussi le lien social, la fierté vis-à-vis de ses enfants, de ses proches, une vie qui a un sens, et une place retrouvée dans la société », détaille Béatrice Gaudin.
Des vies retissées
Maraîchage bio, menuiserie, espaces verts, petits travaux, location de vélos électriques, etc. : les activités déployées sont soigneusement conçues pour ne pas entrer en concurrence avec le tissu économique existant. Le Comité local pour l’emploi, qui chapeaute l’EBE, y veille, de même qu’il identifie et sélectionne les demandeurs d’emploi qui intègrent le Rebond en CDI. Le travail de fourmi de ces bénévoles vivant dans les 14 communes des Vaux d’Yonne permet notamment de repérer des « invisibles » restés sous les radars de Pôle emploi et des services sociaux.
Trop « seniors » pour le monde ordinaire du travail, stigmatisés par l’estampille « chômage de longue durée », les salariés du Rebond révèlent des compétences, des savoir-faire et une énergie qui s’épanouissent dans le cadre bienveillant et souple de l’EBE : « C’est génial de faire partie d’une telle aventure », sourit l’un d’entre eux. « On développe nos compétences », précise un de ses collègues. « Je ne suis pas là uniquement pour un travail, mais pour tirer l’EBE vers le haut. »
Financée en partie par l’État et le Conseil départemental, via la réaffectation des « dépenses passives » liées à la privation d’emploi (RSA, allocations chômage, etc.), l’EBE abonde le complément des salaires grâce au chiffre d’affaires des activités qu’elle génère : « On est aux tarifs du marché », insiste Béatrice Gaudin, réfutant par anticipation l’argument critique de prestations low cost. « On est quasiment à l’équilibre », précise en aparté le directeur, Fabrice Daval. « Sur une année pleine, on sera entre 140 000 et 160 000 €, pour 25 équivalents temps plein. »
Qu’il soit économique, social, simplement humain, le bilan du Rebond et des autres EBE nivernaises appelle déjà à la pérennisation de l’expérimentation, et à sa généralisation. Un travail de persuasion auquel s’active le Conseil départemental auprès du gouvernement : « On est encore au stade expérimental, ce n’est pas de l’acquis », souligne Béatrice Gaudin. « On est contrôlé, évalué, scruté, encouragé, critiqué. Comme Pénélope, on recommence notre ouvrage chaque matin. Le but, c’est qu’il n’y ait plus de chômage de longue durée dans les Vaux d’Yonne au bout de cinq ans. » Comme Pénélope, le Rebond retisse des vies, ravaude les espoirs, reprise la dignité. Une mission inestimable, au point de croix, dont les membres de l’Observatoire ont pris la mesure, au cours de ces deux heures de rencontre.
(1) Le pionnier Prémery a été rejoint par Clamecy, Lormes, Luzy et Moulins-Engilbert, et leurs intercommunalités.