L’agriculture a contribué à dessiner la Nièvre, ses paysages, son caractère, son âme. Elle la dessine encore, avec le soutien fidèle mais lucide du Conseil départemental. Encourager un modèle raisonnable, respectueux des hommes, des bêtes et de l’environnement, épauler la transformation locale, cultiver les circuits courts, mais aussi promouvoir les produits locaux avec une marque territoriale, tels sont les principaux engagements de la collectivité que l’Observatoire des citoyens a passés au crible, lundi 15 avril, à Pougny, sur les terres de l’agriculteur et maire Thierry Beauvais.
Sur les plateaux argilo-calcaires qui s’étendent entre Pougny et Donzy, le vent fait danser les pales des éoliennes voisines de la ferme de Thierry Beauvais. Une bise énergique, à décorner ses Highland Cattle dont la robe aux longs poils pose des taches beiges, café au lait, fauves ou marron dans le vert tendre de ses prairies. Les vaches écossaises aux vastes cornes, rarissimes en terre charolaise, ne sont pas la seule originalité du maire de Pougny, éleveur polyculteur converti à l’agriculture de conservation des sols en 2015.
À l’abri d’un hangar, adossé à un mur de bottes de foin, les membres de l’Observatoire des citoyens, les représentants des services du Conseil départemental et Blandine Delaporte, 1ère vice-présidente en charge des transitions et du dialogue avec les habitants, écoutent les explications de Thierry Beauvais, revenu de la course aux rendements et de la chimie omnipotente : « C’est ce que j’avais appris au lycée agricole. Il fallait mettre de plus en plus de chimie, et pourtant les rendements baissaient. Je ne voulais plus de ça, je n’étais pas heureux dans mon travail, et je me faisais du souci pour mes enfants, pour la nature, pour vous. Maintenant, au moins, les aliments que je fais, je peux les manger. »
Découverte sur un DVD lors de sa quête d’un autre système agricole, l’agriculture de conservation des sols est encore marginale dans la Nièvre, mais elle gagne des adeptes : « On est actuellement 45 au sein du Groupe Magellan », précise Thierry Beauvais. La philosophie de cette agriculture est simple : on laisse un couvert végétal sur le sol, qui s’enrichit naturellement de cette matière, où prospèrent les vers de terre, les insectes, bref, une biodiversité. « En fait on essaie de copier la forêt », résume l’agriculteur, qui sème ses cultures au travers de cette « peau » végétale grâce à un matériel spécifique, le semoir à semis direct. Et qui fait froncer quelques sourcils en assumant l’usage du glyphosate, à doses légères : « Si vous passez trois ans sans en mettre, c’est la forêt vierge. »
Ancrer ses pieds dans la réalité de la vie d’un agriculteur, tel était l’objet de cette sixième visite de terrain de l’Observatoire des citoyens, qui s’est poursuivie au chaud, dans la salle des fêtes pougnyssoise. Là, les « observateurs » ont écouté François Karinthi, directeur général des services, Stéphanie Robinet, directrice générale adjointe de l’Aménagement et du Développement des territoires, et Marie Segarra, directrice des Transitions, détailler la panoplie des actions menées au soutien du monde agricole nivernais. Un soutien éclairé, raisonné, qui aide à la modernisation des exploitations, à la structuration des filières, au travail collectif, via les CUMA (Coopératives d’utilisation de matériel agricole), au développement du maraîchage, etc.
Plusieurs millions d’euros sont ainsi consacrés chaque année à l’accompagnement d’un modèle agricole vertueux, respectueux de l’environnement, des hommes qui y travaillent et y vivent. « Tout cela va dans le bon sens », apprécie une observatrice. Le Conseil départemental veille aussi aux outils de transformation, en s’impliquant dans la réouverture de l’abattoir de Corbigny et dans l’évolution de celui de Cosne, à travers des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) qui permettent aux collectivités locales d’agir et d’investir aux côtés des professionnels (éleveurs, bouchers) et des consommateurs.
Autre engagement tenu, celui de la valorisation est incarné par la marque territoriale La Belle Nièvre, dont la cheffe de projet Annabelle Vagne a présenté la genèse et l’ambition. Avec plus de 200 producteurs et artisans adhérents, et un réseau de 35 distributeurs, le Conseil départemental, créateur de la marque en 2019, a en grande partie atteint son objectif de donner aux Nivernais le goût des bonnes choses élaborées ou transformées dans la Nièvre. La transformation en label, synonyme de cahier des charges, et la création d’un salon du « made in Nièvre », au budget prévisionnel réfrigérant, ont été évoquées par les participants, dans un parfum de plus en plus capiteux de viande grillée – de steaks et saucisses de Highland Cattle mitonnés en cuisine par Thierry Beauvais. Il était temps de passer de l’observation à la dégustation, validée à l’unanimité.
Ils ont dit
Carole : « Toutes ces actions de soutien vont dans le bon sens. Ça permet aux jeunes de s’installer dans de bonnes conditions. Je trouve aussi intéressante la façon d’associer l’insertion et le développement du maraîchage (via le partenariat avec l’ASEM sur les terres achetées par le Conseil départemental à Challuy) ; comme ça, on aura des légumes locaux, et de saison. »
Raphaël : « Est-ce qu’il serait possible d’organiser une grande journée portes ouvertes, une fois par an, à l’Agropôle du Marault, pour que les Nivernais connaissent les productions agricoles de leur département ? Cela permettrait au Conseil départemental de mieux valoriser ce qui se fait. Si je n’étais pas à l’Observatoire des citoyens, je ne serais pas au courant de plein de choses. Et pourquoi pas faire de la promotion dans les salles de cinéma, avec un spot de promotion avant les films ? »
Blandine Delaporte : « Quand on aide les agriculteurs à planter des haies, qu’on soutient l’agroforesterie, qu’on a un partenariat avec Bio Bourgogne, qu’on crée des sociétés coopératives d’intérêt collectif, on fait des choix politiques qui sont orientés, il n’y a pas de doute là-dessus. Mais on discute avec l’ensemble des professionnels du monde agricole. Notre priorité, c’est le respect du sol, de l’eau, de l’air. »
François : « Ce qui me semble intéressant avec La Belle Nièvre, c’est que cette marque lutte contre le « Nièvre bashing » dont les Nivernais eux-mêmes sont coutumiers. »
Hugo Marx, créateur de l’entreprise de confection et de marquage textile Le Noeud vert, à Nevers : « J’avais le projet de faire un salon du Made in Nièvre. J’avais rencontré le Conseil départemental, la Ville de Nevers, Nevers Agglomération ; tous étaient intéressés, mais il fallait un investissement financier très important, du temps, des ressources humaines. C’est un projet qui me semble nécessaire : on a un maillage important d’événements sur lesquels on peut greffer La Belle Nièvre, mais l’idée de ce salon, c’est de créer un événement qui rassemble tous les Nivernais, une fois dans l’année. Il y a une volonté de fond, mais il faut trouver les moyens humains et financiers. »